Les histoires de femmes et de sœurs ont le vent en poupe sous nos latitudes et, importées d’autres pays, elles offrent en plus un joli aperçu de la vie de nos consœurs. Entre émotions du quotidien, découvertes culinaires et culturelles, Valse à 3 sœurs nous embarque dans une danse dépaysante et touchante.
Valse à 3 sœurs : quand un auteur relance une collection de femmes
Melome Machida est un nouvel auteur dans le vaste catalogue des mangas publiés en France. Au Japon aussi, il a été tout fraîchement remarqué grâce à Valse à 3 sœurs justement, josei en 2 tomes encore en cours, qui le propulse au-delà de la scène indépendante où il évoluait jusqu’à présent.
C’est naturellement chez Sakka, branche de Casterman dédiée au manga, qui s’intéresse depuis longtemps aux auteurs indépendants, mais aussi à l’art de vivre japonais et aux vies des femmes, qu’il est publié en France, relançant ainsi leur collection sur cette voie.
Casterman avait notamment été parmi les pionniers à publier du josei (manga pour femmes) dans les années 2000 avec des autrices comme Fumi Yoshinaga, Kiriko Nananan, Kyoko Okazaki, Q-Ta Minami ou Kan Takahama. On est ravis de les voir se relancer dans cette voie.
Un manga qui brosse le portrait de trois femmes très actuelles
Venant de la scène indépendante, je n’ai pas été surprise de voir un auteur proposant un titre très moderne aussi bien dans sa forme que dans son fond. À travers la trichromie des pages, il bouleverse déjà les habitudes du lecteur de mangas qui connaît soit la pleine couleur, soit le noir et blanc, et plus rarement la bichromie des pages issues des magazines de prépublication. C’est un vrai parti pris audacieux, tout comme son dessin très simple, en deux-trois traits, qui interpelle.
Il accueille ainsi entre ses pages, trois jeunes femmes très différentes, trois sœurs dont on découvre le quotidien. L’une est indépendante et presque trentenaire, la cadette est une employée dynamique dans la vingtaine et la petite dernière est une lycéenne qui commence à se poser des questions sur son orientation professionnelle. Elles vivent ensemble depuis la mort de leur mère et la fuite de leur père, parti voyager, et se soutiennent à chaque instant.
Alors qu’on aurait pu suivre un portrait un peu misérabiliste, c’est au contraire une vraie ode à la vie et ses petits plaisirs qui s’étale sous nos yeux et rend ces trois femmes très vite très attachantes.
Valse à 3 sœurs : entre deuil, cuisine et indépendance
À l’aide de chapitres courts et incisifs, l’auteur capture la jeunesse et la modernité des trois jeunes femmes. Elles aiment boire, manger des sucreries, critiquent parfois leur travail harassant ou se cherchent sans trop savoir quoi faire. Nonchalance et plaisir sont les maîtres mots de leur existence sans qu’on sente le moindre regard critique. Au contraire, l’auteur semble là pour nous faire comprendre que oui, il est important de bien faire les choses, mais qu’il faut aussi savoir se faire plaisir.
C’est donc dans une ambiance très chaleureuse et pleine d’humour qu’on les voit se préparer à tour de rôle de bons petits plats ou aller dans les bistrots du coin manger des spécialités japonaises autour d’une bonne bière.
Elles sont chacune surprenantes à leur façon. On s’amuse de voir l’aînée si posée, exprimer tant de colère envers ce père démissionnaire. On ne peut pas dire que la figure paternelle soit toujours à porter aux nues au Japon dans les familles passées et présentes, ils sont souvent absents et, ici, l’auteur frappe fort avec son abandon pur et simple. On rit aussi devant le décalage entre le côté garçon manqué de la deuxième et sa passion pour les fleurs, envoyant un bon coup dans la fourmilière de ses hommes à la vision très restreinte de la « femme féminine ». Et bien sûr, la cadette et ses bonnes notes, qui cache une gloutonne nonchalante ne sachant pas trop quoi faire dans sa vie, est déstabilisante.
Mais il faut retenir qu’elles sont toujours là les unes pour les autres, que ce sont des femmes fortes qui se débrouillent à merveille dans cette vie indépendante qu’on leur a imposée, qu’elles semblent apprécier, même si la nostalgie de leur ancienne vie de famille est là.
Valse à 3 sœurs : vous reprendrez bien un petit verre en musique ?
Ce premier tome fut donc une belle introduction à la vie riche en notes musicales de nos trois sœurs. De la valse de l’aîné, au rock de la benjamine en passant par le reggae de la sœur, tous les styles musicaux sont mis à l’honneur dans le quotidien haut en couleur et pourtant si banal de nos jeunes femmes qui évoluent dans ce Japon actuel où elles tentent de trouver leur place en tant qu’individus.
C’est amusant, chaleureux et souvent cocasse. On s’attache très vite à elles et on se voit bien à leur côté partager un petit verre et un bon repas en déblatérant sur le sujet du moment, tout en profitant d’un bon moment. Kanpai !