Qui sait de Pauline Delabroy-Allard : marcher sur ses propres traces

Avec pudeur, mais sans silences, Pauline Delabroy-Allard creuse son histoire et celle de ses parents pour apprendre à connaître ceux qui marchent à ses côtés depuis sa naissance.

Qui sait qui c’est ?

Divisé en trois parties très différentes les unes des autres, ce roman-récit est une quête identitaire comme la rentrée littéraire d’automne 2022 nous en a offert beaucoup, construit sur les trois interrogations essentielles à la réflexion kantienne qu’a étudiée Pauline Delabroy-Allard. Ici, elle cherche donc qui se cache derrière les prénoms se suivant à la queue leu leu sur ses papiers : elle abrite un être dans son ventre pour la première fois et veut comprendre sa lignée, son identité, avant de donner naissance à son tour.

qui sait pauline delabroy-allard

Il y a Jeanne, comme une douceur mystérieuse, nébuleuse, comme une photographie à moitié floutée, reflet brouillé d’elle-même. Il y a Jérôme, aussi, ce prénom masculin comme un intrus dans la litanie féminine, comme un rebelle qui emmène l’autrice-narratrice en Tunisie, l’arrache à ses terres parisiennes, à son hiver blanc de neige et blanc tout court – bruits blancs, peau blanche, trop blanche, blancheur du ciel et des envies. Et puis il y a Ysé, Ysé comme l’héroïne du Partage de midi de Paul Claudel, Ysé et ses trois hommes sous le rouge soleil d’Asie, bientôt rouge sang alors que les pierres et les rues éclatent.

Pauline Delabroy-Allard se raconte

Pauline marche, déambule dans son passé tu, dans le passé de ses parents et de leurs amis, essaie de défricher un jardin, de déterrer des photographies du sol, des secrets de son cœur. Au-delà de ses recherches, pour faire taire sa curiosité puis pour apaiser, elle évoque aussi pudiquement un drame intime, celui de la vie absente dans un corps pourtant chaud. C’est d’ailleurs là que l’autrice excelle, à se dire honnêtement, avec et sans réserve, de manière entière, authentique, mais sans indécence.

Comme dans Ça raconte Sarah, elle exorcise, accouche sur la page de ses fantômes, de ses douleurs, dans un studio de danse et dans un cimetière, dans une piscine et dans les rues tunisiennes, sur le pont d’un paquebot imaginaire et dans la Maison Tanière. Dans ce refuge villageois, elle s’éloigne d’elle-même pour malgré tout mieux plonger en son sein, réécrit cette tragédie claudélienne, se fait Ysé, entremêlant les drames, rebondissant de détails en détails pour que le « je » soit un, uni et dual – enfin.

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