C’est au milieu d’une actualité plus qu’électrique que la maison d’édition Mémoire d’encrier a annoncé la publication prochaine, en français, du livre Mère à mère de Sindiwe Magona. Ce roman prend pour point de départ l’assassinat d’Amy Biehl à Gugulethu, près du Cap, en 1993…
Le meurtre d’Amy Biehl, une étudiante américaine, avait fortement secoué l’Amérique en 1993. Les faits se sont déroulés dans une Afrique du Sud encore ravagée par les violences raciales. À l’époque, la colocataire d’Amy avait déclaré « Elle a été tuée parce qu’elle était blanche
». Nous étions alors encore loin de la nation arc-en-ciel de Nelson Mandela…
Les coupables sont rapidement retrouvés. Ce sont des Noirs et l’Amérique ne tarde pas à les condamner à mort. Mais retournement de situation en 1998 quand la Commission de vérité et de réconciliation les pardonne en invoquant le caractère « politique » et « racial » de ce meurtre. Amy Biehl faisait, malgré elle, figure de l’ennemi à abattre…
Si, dans son roman Mère à mère, Sindiwe Magona s’appuie ce terrible fait divers pour développer son histoire, elle fait preuve d’une grande humanité à travers son récit. L’ouvrage permet de comprendre l’héritage – violent et sanglant – laissé par l’Apartheid en Afrique du Sud. Et tout ça, sans jamais prendre le parti de la victime ou celui de l’assassin.
Le roman de Sindiwe Magona paraîtra aux éditions Mémoire d’encrier
Si Mère à Mère était jusque-là uniquement disponible en format numérique dans sa version française, c’est le 20 août prochain que le livre imprimé sortira aux éditions Mémoire d’encrier. Construit sous forme d’un récit épistolaire, le roman de Sindiwe Magona commence de manière forte : « Mon fils a tué votre fille ».
Mère à mère se fait alors le récit des échanges entre la mère de l’assassin et celle de la victime. C’est puissant, poignant et terriblement intime. C’est la confession d’une mère à une autre, d’un cœur rongé par la culpabilité à un cœur brisé, loin de toute idée politique ou idéologique. La première essaye de faire comprendre à la seconde le poids de la violence laissé par l’Apartheid, la réconciliation impossible entre deux mondes que tout oppose… L’empathie de ces deux femmes donnent au roman une portée profondément humaniste. Il y est question de pardon, de tolérance et de culpabilité. En un mot : émouvant.
La voix de Sindiwe Magona est particulièrement authentique. Née en Afrique du Sud, elle est la première autrice sud-africaine noire de sa génération et rapidement, elle s’engage dans la lutte contre l’Apartheid. Paru en anglais sous le titre Mother to mother en 1998, son roman est rapidement salué par les lecteurs. Pourquoi ? Parce que la grande force de Sindiwe Magona est de se tenir éloignée de toute vision manichéenne du monde. C’est l’amour avant tout le reste qu’elle prône dans Mère à Mère.