Avec son thriller psychologique qui vous tiendra en haleine de la première à la dernière ligne, Samuel Corvair déconstruit le rêve américain à travers les yeux désillusionné d’un français expatrié. Histoire d’amour contrarié, cupidité, toxicité, La promesse américaine sonde la noirceur de l’âme humaine sous le prisme du désenchantement.
Paru lors de la rentrée littéraire de septembre 2022 aux éditions Plon, La promesse américaine est le premier roman de Samuel Corvair, diplomate français à Boston. Un roman noir qui oscille entre une histoire d’amour inconditionnel et une course-poursuite effrénée qui vous plongera dans l’incertitude jusqu’au dénouement final. Subtil, peut-être un peu trop parfois, La promesse américaine décortique l’american dream avec une lucidité désarmante.
En effet, il aura suffi de quelques pages seulement pour que l’Amérique idéalisée de Dag, notre héros, tourne au cauchemar. Loin des paillettes, elle révèle bientôt sa face obscure. Une noirceur indélébile qui va bientôt faire basculer son univers insouciant vers un drame insidieux qui lui collera à la peau pour le reste de sa vie… La promesse américaine tient-elle vraiment toutes ses promesses ? C’est que nous avons essayé de découvrir…
La promesse américaine : un thriller psychologique savamment orchestré
Les premières pages sont énigmatiques, mais ne vous laissez pas décourager. En effet, vous vous rendrez vite compte que La promesse américaine n’est pas un thriller comme vous pourriez avoir l’habitude d’en lire… Ancien chanteur d’un groupe de rock, Dag est un jeune homme insouciant qui se cherche encore. Avide de vivre de nouvelles aventures, il rêve de grandeur qui s’incarne, presque trop naturellement, par l’Amérique. Alors quand son regard croise celui de Joyce, une Californienne aussi belle que mystérieuse, « Joyce peut être légère comme une feuille et aussi brûlante qu’un volcan bouillonnant de lave en fusion », il y voit un signe du destin. Son chemin était désormais tout tracé… du moins le croyait-il.
Mais, victime de son passé tourmenté, Joyce ne tarde à jeter une ombre sur l’histoire d’amour passionnel des deux amants. Leur destinée se fissure au contact d’un ex-amant de la jeune femme qui représente le diable en personne… Warren. Alors que Dag pensait pouvoir vivre son amour au grand jour, poussé par une Amérique qui lui promettait monts et merveilles, il se retrouve prisonnier d’un piège mortel.
S’il est question d’une course-poursuite interminable entre un homme prêt à tout pour protéger la femme qu’il aime et un autre qui refuse de s’avouer vaincu, La promesse américaine n’est pas un thriller qui repose sur l’action. En effet, Samuel Corvair s’emploie à établir une description fine – voire psychologique – de ses personnages. C’est ainsi qu’il analyse avec brio le mécanisme mental de Warren, un tueur en série pernicieux et psychopathe, qui traque ses proies avec une méthodologie qui fait froid dans le dos. Que Dag et Joyce le veuillent ou non, Warren est le chef d’orchestre macabre de leur vie.
Mais, finalement, quand on y réfléchit un peu, Warren n’est peut-être pas le personnage le plus complexe de ce roman noir. En effet, amant bafoué, il campe l’archétype du meurtrier perpétrant des crimes passionnels. Animé par sa passion dévorante pour Joyce et sa jalousie maladive, il torture et élimine toutes les personnes qui s’approcheraient un petit peu trop de la femme par laquelle il est obsédé. Ses motivations sont celles d’un homme amoureux dans la définition la plus extrême du terme. En revanche, les motivations de Joyce sont bien plus troubles… voire indéchiffrables.
Victime de son ancien amant, Joyce se transforme en manipulatrice fallacieuse. Consciente de l’amour inconditionnel que lui porte Dag, elle exerce une emprise psychologique malsaine, presque perverse, sur lui. Aveugle, inconscient de cette emprise morbide et complètement envoûté, Dag se laisse mener par le bout du nez. « Joyce était ma drogue et je devais la respirer par tous les pores pour me sentir mieux ». Entrecoupé par des séparations où Dag espère soit la voir revenir soit enfin vivre sa vie comme il l’entend, Joyce use de son influence néfaste pour le faire revenir dans ses filets… jusqu’à ce que Dag trouve des excuses à son comportement inconstant « Joyce voulait me préserver. Ses hésitations et revirements, que je prenais pour des caprices, étaient des signaux ».
« Quelle était la part de cette Amérique dans cet amour ? »
Pris dans un engrenage dont il n’a même pas conscience et sous le charme d’un amour dévastateur, Dag continue de fouler le sol américain dans l’espoir d’un avenir meilleur. Mais… peut-on vraiment lutter contre le mal incarné – sous toutes ses formes – sans se salir les mains ? La question reste entière…
La promesse américaine : une déconstruction minutieuse du rêve américain
Vous l’aurez compris, derrière ce thriller palpitant, se cache, en filigrane, une critique du rêve américaine et de sa décadence. Ce qui s’annonçait comme un nouveau départ plein de promesses pour Dag s’est peu à peu révélé n’être qu’un écran de fumée. « J’ai réalisé mon rêve qui consistait à sortir de moi-même pour me retrouver ailleurs »… mais où ? Pris en chasse par un psychopathe et sous le joug d’une femme apeurée, Dag se voit obligé d’enfiler sa tenue de justicier pour enfin espérer vivre en paix… énième illusion.
« Aujourd’hui que reste-t-il du rêve américain ? Des promesses non tenues. De la souffrance, du sens, des larmes, à cause de la bêtise humaine qui se propage partout comme les feux en Californie »
Au fur et à mesure que les promesses s’étiolent une à une, Dag se retrouve en proie à la solitude. L’Amérique est alors réduite aux apparences qu’elle veut bien laisser transparaître pour continuer de briller, « ce que l’on pense ne doit pas être forcément dit, même si c’est la vérité ». Martyre d’une police qui refuse de lever le petit doigt pour attraper le coupable malgré les preuves et poussé par Joyce au bord du gouffre, il devient chasseur. Sur les routes américaines, il cherche, fouille et traque jusqu’à l’épuisement.
La vengeance devient alors le fil rouge du récit. Dans l’optique de s’adapter à tout prix, Dag adopte les codes d’une Amérique qui tend à se faire justice elle-même. Une Amérique où les armes à feu sont en vente libre. Une Amérique qui pousse à l’excès et à la violence sans s’en cacher. « Elle m’a tellement labouré, trituré, conditionné à l’image de la violence qui règne dans ce pays, que je suis devenue justicier ». Que Dag prenne les armes s’inscrit alors dans la triste suite logique des choses…
Mais dans un pays où les Français ne sont pas toujours les bienvenus, Dag va devoir affronter les conséquences de ses actes, « mon Amérique est devenue un gouffre d’illusions qui s’empilent dans l’amertume ». La promesse américaine incarne la rencontre entre deux imaginaires que tout oppose, entre deux continents qui s’unissent pour le meilleur et pour le pire. Surtout le pire.
En déconstruisant cette soif d’absolu que représente encore aujourd’hui le rêve américain, Samuel Corvair nous donne à lire une véritable critique politique et sociale de l’Amérique de ces trente dernières années. Porté par le souffle lyrique de l’histoire d’amour et la force tragique du thriller impitoyable, La promesse américaine de Samuel Corvair nous offre une analyse perspicace de l’Amérique d’hier et d’aujourd’hui au travers de ses mots – parfois acérés – qui nous conte une histoire d’amour impossible. Celle de Dag et de Joyce et, plus largement, celle de deux continents à la politique foncièrement différente. En bref, Samuel Corvair signe un premier roman intriguant !