La Sorcière de Sealsea ou une autre façon d’écrire sur l’Histoire des femmes

Des romans historiques, on en a tous lus mais souvent ils se concentrent sur la grande Histoire. Philippa Gregory en a fait sa spécialité en écrivant sur les Tudors et leurs ancêtres. Mais, avec La sorcière de Sealsea, elle a fait un choix différent, celui de suivre une famille lambda sur plusieurs générations au gré des agitations du pays. Un livre sur les sorcières qui nous donne à lire une fresque historique grisante.

La sorcière de Sealsea : un tableau historique de l’Angleterre rĂ©volutionnaire

J’ai découvert Philippa Gregory, autrefois, par les récits qu’elle avait fait des grandes figures de l’Histoire d’Angleterre, des hommes et femmes qui furent au premier plan pour écrire l’histoire de ce pays. C’était déjà passionnant.

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Ici, elle a choisi une époque et un cadre différent : celui de l’Angleterre de la fin du XVIIe siècle, alors que le Roi est sur le point d’être détrôné et que Cromwell est en pleine ascension. Un cadre mouvementé vu à travers les conséquences que cela peut avoir dans une petite bourgade campagnarde, tandis que les superstitions sont partout, que les religions en vogue se disputent les obédiences et que les jalousies explosent.

Le tome est épais, riche en détails. Il se veut à la fois instructif de la vie à cette époque donnée et informateur des grands événements qui se jouent en fond. Ce ne sont cependant pas eux qu’on va suite au premier plan.

Un livre sur les sorcières qui nous dévoile différentes visions de la femme

Le cĹ“ur de l’histoire, c’est la place ou plutĂ´t les places de la femme Ă  cette époque lĂ . Pour cela, on suit avec passion, Ă©motion et surtout rudesse, les femmes d’une famille pauvre. La mère est accoucheuse, son mari l’a laissĂ©e seule Ă©lever leurs enfants. Sa mère Ă©tait dĂ©jĂ  accoucheuse avant elle et s’y connaissait en plantes, un savoir qu’elle va essayer de transmettre… ce qui ne plaira pas Ă  tous. Nous retrouvons ainsi un beau classique : le drame de la femme accusĂ©e d’être une sorcière parce qu’elle ne rĂ©pond pas Ă  la norme gĂ©nĂ©rale. Cependant, cela ne dĂ©bute pas par cela et nous allons plutĂ´t suivre tout le cheminement qui va y conduire, ce qui est assez glaçant.

C’est le quotidien banal d’une mère célibataire, une mère courage que l’on va découvrir avec passion. On est, de suite, invité à prendre parti pour elle. On a envie de la soutenir dans cette vie pas facile qu’elle mène, une vie semée d’embûches. Au travers de son regard, on esquisse un joli portrait de ces femmes qu’on nommait sorcières, mais qui étaient juste des lettrées, des rebelles et, surtout, des avant-gardistes. Ici, c’est passionnant de la suivre dans son travail d’accoucheuse et émouvant de la voir dans son rôle de mère prête à tout pour ses enfants.

Mais derrière cela, il y a aussi une critique fort intéressante de ce qu’on attend des femmes à l’époque, notamment autour de la maternité et du couple, avec des scènes rudes et saisissantes où les hommes n’en sortent pas grandis, mais où on a plutôt envie de former une sororité solide pour survivre.

Philippa Gregory nous décrit la campagne anglaise comme si on y était

L’écriture de Philippa Gregory est copieuse, riche en détail, elle réussira à nous faire vivre l’époque à travers une foultitude de petites histoires. On découvre ainsi ce qu’est la vie dans une campagne reculée de l’Angleterre où les rumeurs peuvent être dévastatrices, où une réputation est essentielle et où la science et les avancées de l’époque peinent à se faire un chemin. C’est passionnant de découvrir comment ils vivaient, mangeaient, s’habillaient, se déplaçaient, échangeaient entre eux, apprenaient les nouvelles ; quelle était la place de la religion et de ses chantres ; quels métiers on pouvait trouver ; comment étaient les relations entre parents et enfants. Bref tout y est !

Les descriptions de paysages sont tout aussi saisissantes. J’ai vraiment eu l’impression de me retrouver à côté d’eux dans ce village perdu, un peu pauvre, au bord d’un cours d’eau où un bac était nécessaire pour se déplacer. On sent toute la rudesse de l’époque aussi bien dans les lieux, les gens que les relations.

La sorcière de Sealsea : un roman historique d’un nouveau genre

Entre roman historique, roman de terroir et roman de femmes, La Sorcière de Sealsea est un drame annoncé auquel on ne peut échapper et auquel on assiste impuissant. La plume riche et généreuse de l’autrice nous gâte pour dépeindre dans les détails cette époque faite changements.

Elle nous frappe aussi pour ce portrait juste, mais rugueux des femmes d’alors et de leur destin pour mieux remettre en perspective avec force l’image de la femme « sorcière ». C’est une saga au fĂ©minin qui donne envie de dĂ©couvrir les prochains Ă©pisodes…

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