Solitudes de Niko Tackian : un polar haletant qui nous entraîne sur les traces du monstre du Vercors

Course-poursuite glaçante dans les montagnes du Vercors, Solitudes de Niko Tackian est un thriller qui mettra vos nerfs à rude épreuve. Entre le froid glacial qui mord votre peau, l’aura mystique des montagnes et un tueur en série macabre, vous ne pourrez pas fermer le livre avant d’en avoir découvert de fin mot de l’histoire…

Désormais bien connu dans le paysage des romans policiers français, Niko Tackian s’amuse avec ses lecteurs et les entraîne dans les méandres diaboliques de la nature humaine. Soyez prévenus ! Avec Solitudes, vous ne vous lancez pas dans une lecture tranquille… au contraire ! Construit sous forme de chapitres courts et saccadés, le livre est pulsé par l’adrénaline d’un rythme haletant par lequel vous ne tarderez pas à vous faire avaler.

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Bienvenue à Grenoble où Nina Mellinsky, une lieutenante fraîchement débarquée de Paris, est appelée sur une affaire des plus lugubres. Perché très haut dans le massif du Vercors, le corps d’une femme nue pendue aux branches d’un arbre gigantesque vient d’être découvert par un garde forestier. Ce dernier, amnésique depuis qu’il a reçu une balle dans la tête, va bientôt se retrouver hanté par des sensations étranges sur lesquels il n’arrive pas à poser de mots « les notes ne cessaient de résonner dans ses oreilles, pourtant il était incapable de percevoir la mélodie ».

Niko Tackian érige la montagne comme un personnage à part entière

Dès les premières pages de Solitudes de Niko Tackian, une aura énigmatique, presque ésotérique, nous enveloppe… La montagne nous fait prisonniers « chassée par le vent, la neige roulait en furie, rasant le sol et ne s’arrêtant que lorsqu’elle était recouverte par quelque obstacle » d’un climat hostile et nous enferme dans les horreurs d’un passé aussi vivace que glacial. Pourtant, d’apparence, les montagnes du Vercors semblent un lieu propice à la méditation et à l’introspection… d’autant plus pour Élie. Un amnésique affublé d’une étrange cicatrice sur le front qui trimballe ses souvenirs oubliés, derrière lui, telles des casseroles infernales.

Tandis que l’hiver rebat ses cartes, un silence de mort règne sur la montagne… Et soudain, alors qu’il errait seul entre les congères, Élie croise le regard d’un « cadavre gelé aux traits familiers ». Le premier d’une longue série. Aucun doute, le corps de cette femme « était là pour lui, il le savait dans chaque cellule de son corps ». En l’observant, il découvre le mot « aletheia » (la vérité en grec) gravé sur son dos. Une marque qui provoque une réaction violente et inconsciente chez lui…

Plus aucun doute n’est possible, on essaye de lui faire parvenir un message funèbre « la porte qu’il avait tant de fois tenté de forcer s’était ouverte d’un coup. Il avait peur de ce qui se trouvait derrière, et par-dessus tout, de celui qui lui avait fourni la clé ». Ce mot, il le connaît par cœur, il l’a observé à la dérobée des centaines de fois… Le même est buriné sur son dos sans qu’il ne se souvienne de sa provenance. Coupable idéal ? Pour le lieutenant Nina Mellinsky, cela ne semble faire aucun doute…

Pourtant, les corps s’accumulent en même temps que la neige continue de tomber inlassablement et Nina commence à se méfier de ses propres jugements. Conclusion hâtive ? Peut-être… Élie n’a rien du « tueur méthodique, préparant ses crimes avec soin en vue de laisser sa marque et d’accomplir un schéma criminel précis ». Son instinct de flic vacille. Perdue au milieu de la montagne menaçante, le vent siffle dans ses oreilles tandis que la neige efface tous les indices. La mort continue de rôder sans que jamais elle ne puisse mettre la main dessus.

Mais, écoutant son instinct plutôt que sa raison, Nina déroule le fil de l’intrigue en tentant de déchiffrer les murmures plaintifs de la montagne « le Vercors ce n’est pas une montagne qu’on aborde par défi. C’est un endroit où on doit se laisser bercer par ses émotions ». Guidée par un vieil aveugle – sorte de Tirésias des temps modernes – et un chaman persuadé que les esprits de la nature détiennent la réponse à toutes questions, Nina tâtonne, chute, se relève et apprend à écouter. Pour elle, « ce genre d’horreur n’existait pas dans l’ordre naturel des choses, c’était un avertissement lugubre, un rappel de la démence des hommes » et, désormais, elle est plus déterminée que jamais à attraper ce tueur en série macabrement diabolique.

Solitudes : Niko Tackian nous balade entre un passé machiavélique et présent hanté

Entre passé et présent, entre ténèbres et lumière, les morceaux du puzzle machiavéliques s’éparpillent sans que Nina n’en comprenne leur sens caché. Il lui faudra réaliser que « il y a des choses que nos yeux ne voient pas » pour enfin découvrir le sens du mot « vérité » martelé sur la peau des victimes. Et puisqu’il paraît que « certains philosophes du monde antique jugeaient que la vérité se définissait à partir des choses que nous n’arrivons pas à oublier », il va lui falloir remuer un passé douloureux pour en venir à bout.

Tout au long de Solitudes, Niko Tackian dissimule une force inquiétante, sûrement maléfique. Tapie dans l’ombre, elle attend pour attaquer. Quand ? Comment ? Impossible de le deviner. Mais puisque c’est souvent « au fond du trou qu’on se rend compte des choses essentielles », Nina va devoir descendre dans les entrailles de la montagne et explorer l’âme sinistre de la nature humaine pour enfin donner un sens à cette enquête brumeuse « il faut que tu connaisses tout, et les entrailles incorruptibles de la vérité persuasive, et les opinions des mortels qui ne renferment pas la vraie conviction, mais l’erreur. Et tu apprendras comment, en pénétrant toutes choses, tu devras juger de tout d’une manière sensée ». Possédée par le besoin de découvrir une vérité qui écorche, elle plonge – presque littéralement – dans le ventre du démon de glace et de marbre.

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Haletant de bout en bout, ce thriller, qui peint la nature comme force incontrôlable, explore nos travers avec une force occulte paradoxale. On court, on s’époumone, on étouffe, comme si nous étions à la place de Nina, d’Élie et de tous les autres personnages. Captifs des massifs imposants, prisonnier des échos assourdissants et ensorcelés par la plume envoûtante de Niko Tackian, nous prenons conscience, de manière insoupçonnée, de nos solitudes personnelles en réveillant les monstres qui sommeillent en nous.

Mené par des personnages remarquablement bien travaillés, Solitudes s’achève, en apothéose, sur un dénouement auquel vous ne vous attendiez certainement pas… En bref, un roman policier palpitant qui nous rappelle que, dans les moments les plus sombres, la lumière finit toujours par rejaillir là où s’y attend le moins… Après tout, « qu’est-ce qui pouvait nous protéger de l’horreur du monde et des hommes si ce n’est l’amour ? ». Vous l’aurez compris, Solitudes, c’est du Niko Tackian au sommet de son art !

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