Quino : le dessinateur argentin, Papa de Mafalda, nous a quittés

C’est avec une grande tristesse que nous avons appris la disparition de Quino, le 30 septembre dernier, à l’âge de 88 ans. Mafalda, le personnage phare de ses bandes dessinées, est désormais orpheline. Très touchés par le décès du dessinateur, les Argentins ont manifesté une grande émotion suite à cette nouvelle bouleversante…

Pour les Argentins, la journée du 30 septembre sera à jamais entachée par une triste nouvelle. Quino, de son vrai nom Joaquin Salvador Lavado Tejon ou l’incontournable dessinateur des comics intitulés Mafalda, s’est éteint. C’est son éditeur argentin, Daniel Divinsky, qui a annoncé la nouvelle via son fil Twitter : « Quino est mort. Toutes les bonnes personnes du pays et du monde entier le pleureront ».

mort quino bd

Né le 17 juillet 1932 au pied des Andes, dans la région de Mendoza, en Argentine, Quino ne tarde pas à affirmer son tempérament effronté. Un caractère bien trempé qui se reflétera dans ses écrits et ses dessins « La vie, c’est un peu comme un film… Les uns ont les premiers rôles, les autres un petit rôle de rien du tout ». Auteur engagé, parfois désillusionné, il se déguisera sous les traits d’une petite fille innocente mais impudente afin de défendre les valeurs qui lui tenaient à cœur. Pessimiste de nature, il gardait l’illusion que son travail pouvait « faire changer les choses » et en pacifiste convaincu, c’est armé d’un crayon qu’il mena sa bataille. En bref, Mafalda était née.

Parfois surnommé le « Sempe argentin » (nom du célèbre dessinateur du Petit Nicolas), Quino entre à l’École des Beaux-Arts de Mendoza à l’âge de treize ans. Mais, rapidement lassé par les études, il se tournera vers la bande dessinée humoristique et ce, pour notre plus grand bonheur ! Mafalda est aujourd’hui âgée de plus de cinquante ans mais elle continue de marquer les générations qui se succèdent. Pour faire court, elle reste « la meilleure petite fille de la BD » si l’on en croit les propos de Pénélope Bagieu.

Si l’humour est le moteur des textes et des dessins de Quino, il n’en reste pas moins lucide sur la réalité du monde dans lequel nous vivons… Profondément marqué par le coup d’État de 1976 mené par le général Videla, le dessinateur argentin s’est éloigné de sa terre natale pour s’exiler en Italie puis en Espagne. Mais loin d’ignorer la tragédie qu’était en train de traverser son pays, il prêta sa voix à une petite fille aussi espiègle qu’intelligente afin de dénoncer la politique désastreuse de l’époque. Dictatures, mondialisation, guerres… Quino choisit de ne rien passer sous silence « Tu vois comme il beau le monde ? Eh bien, c’est parce que c’est une réplique. L’original est un désastre ». Vous l’aurez compris, il détestait l’injustice.

Mafalda : une série de comics intemporels

La petite fille au nœud enfoui dans sa chevelure noire comme l’ébène ne tarde pas à séduire petits et grands lecteurs. Né dans l’esprit du dessinateur argentin en 1962, le premier album des aventures de Mafalda en BD se fait connaître du grand public en 1964 à travers les pages de l’hebdomadaire Primera Plana. Sous ses airs innocents, la petite fille emploie des mots d’adultes saillants et percutants « Mafalda est une petite fille, et on me laissait donc faire. Elle paraît innocente ». Cependant, le franc parlé du personnage de Quino ne fera pas l’unanimité auprès de toutes les autorités politiques. En effet, les albums de la petite fille à la langue bien pendue furent censurés au Chili, en Bolivie et au Brésil…

bd mafalda

Mais finalement, peu importe, Mafalda conquiert le cœur de ses lecteurs et gagne en popularité. Aujourd’hui, alors que Quino n’a plus publié de nouvel opus de sa bande dessinée depuis 1973, la petite fille, symbole d’une critique acerbe de la société d’alors, totalise encore plus de 145 000 abonnés sur son compte Twitter. Mafalda n’a décidément pas fini de faire entendre sa voix indignée tandis que ses parents tentent de répondre à ses grandes interrogations « le malheur avec la grande famille humaine, c’est que tout le monde veut en être le père ». Lasse de l’inextricable complexité du monde des adultes, elle cherche obstinément à mettre des mots sur des sujets comme la condition féminine, la dictature, Fidel Castro, la surpopulation ou encore le goût horrible de sa soupe… Avant-gardiste dans sa manière de penser, Quino fait de Mafalda la porte-parole de problématiques aussi tortueuses que profondes. Cependant, la naïveté de l’enfance donne aux propos de la petite fille une légitimité insoupçonnée « il faut changer le monde vite fait sinon c’est lui qui va nous changer ».

C’est sans doute pour cette raison que Quino déclara avec affliction « Mafalda aurait ressenti une peine terrible » suite aux attentats contre le journal satirique Charlie Hebdo. Militant, il l’aura été jusqu’à ses derniers instants. Ainsi, c’est dans son fauteuil roulant qu’il avait brandi une pancarte « Je suis Charlie » en témoignage de son affection pour Wolinski dont il était très proche. Si Malfalda n’a plus pris la parole depuis plus de quarante ans, son combat est loin d’être terminé… En résumé, Quino était un grand homme et il laisse un vide immense dans le cœur des Argentins.

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