Gisèle Halimi : la voix de la cause des femmes s’est éteinte

Le 28 juillet 2020, nous apprenions avec regret le décès de Gisèle Halimi. Avocate obstinée, femme révoltée et autrice engagée, elle laisse derrière elle le fruit de ses combats acharnés pour la cause des femmes. Comme pour lui rendre un dernier hommage, son récit autobiographique intitulé Une farouche liberté, paraîtra pour la rentrée littéraire de septembre.

Gisèle Halimi aura côtoyé les plus grands noms du 20ème siècle : Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre ou encore Pablo Picasso. Ses combats pour la cause féministe n’auront pas toujours fait l’unanimité auprès de l’opinion publique mais jamais elle n’abandonnera ses convictions. Emmanuel Faux, son fils cadet, a déclaré qu’elle s’était « éteinte dans la sérénité » ce mardi 28 juillet, au lendemain de son 93ème anniversaire.

Pourtant, on ne peut pas dire que Gisèle Halimi soit venue au monde comme elle l’a quitté. En effet, née en Tunisie le 27 juillet 1927, son père se fait très discret sur sa naissance. Édouard Taïeb, qui désirait un fils, a mis plusieurs jours avant d’annoncer l’arrivée de sa fille. Élevée dans une famille très conservatrice, elle commence à se battre pour la cause des femmes dès le plus jeune âge en refusant, par exemple, de partager le lit de son frère. Plus tard, c’est un mariage arrangé auquel elle s’opposera farouchement. Elle avait quinze ans…

Gisèle Halimi livre

Elle débarque en France, après l’obtention de son baccalauréat, pour poursuivre des études de droit et de philosophie à l’université de la Sorbonne. Elle entre au barreau de Tunis en 1949 avant de poursuivre sa carrière à Paris à partir de 1956 où elle militera pour l’indépendance de son pays natal. À partir des années 1970, c’est dans la cause des femmes qu’elle s’engagera avec ferveur et conviction. Puis, dans les années 80, elle participera à la dépénalisation de l’homosexualité. En bref, Gisèle Halimi fait incontestablement partie des grandes Dames de notre pays. Celle qui se qualifiait d’être une « avocate irrespectueuse » aura participé à la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse en France au même titre que Simone Veil.

Gisèle Halimi : une voix pour la cause des femmes

Son combat féministe commence alors que le mot n’existe même pas encore en tant que tel. Si elle signe le « Manifeste des 343 » en 1971, sa carrière juridique et littéraire décolle lors de l’affaire de Bobigny. Dans ce procès, cinq femmes sont jugées pour avoir avorté illégalement. L’une d’entre elles, Marie-Claire, a seize ans et elle vient tout juste de se faire violer par un garçon de son lycée. Enceinte, elle demande à sa mère, Michèle Chevalier, de l’aider à avorter. Et que n’a-t-elle pas fait ! Sa mère ne tardera pas à être mise en examen…

Désarçonnée, cette mère de famille demande l’aide de Gisèle Halimi dont elle a entendu parler par son ouvrage intitulé Djamila Boupacha. Un livre que l’avocate a co-signé avec Simone de Beauvoir. Dans ce récit, elles nous content leur combat pour tenter de faire valoir les droits d’une agente de liaison du F.N.L (Front National de Libération) algérienne qui, après avoir été arrêtée, a été violée et torturée par des soldats français. Michèle Chevalier voit alors en Gisèle Halimi son dernier espoir…

Marie-Claire sera relaxée et sa mère condamnée à 500 francs d’amende avec sursis. Mais un premier pas vient d’être engagé dans le combat pour le droit des femmes. Gisèle Halimi n’hésite pas à faire de ce procès une tribune où Simone de Beauvoir tiendra des propos aussi cinglants que révélateurs : « On exalte la maternité, parce que la maternité c’est la façon de garder la femme au foyer et de lui faire faire le ménage ».

Dans La Cause des femmes, un livre publié en 1973, Gisèle Halimi relate, notamment, les événements de l’affaire de Bobigny. Mais plus qu’une retranscription d’un simple procès, l’avocate pousse ses lecteurs à une réflexion approfondie sur la cause et la condition des femmes. Loin de moraliser la gent masculine, elle nous décrit tous les tenants et aboutissants de ses batailles qui ont mené à l’adoption de la loi Simone Veil, encadrant la dépénalisation de l’avortement, le 17 janvier 1975.

Une farouche liberté : un récit autobiographique à ne surtout pas manquer en cette rentrée littéraire 2020

Comme chaque année, les livres seront nombreux à paraître en cette rentrée littéraire 2020 mais celui de Gisèle Halimi devrait, inévitablement, sortir du lot. Et pour cause, au lendemain de sa disparition, c’est une montagne d’enseignements féministes qu’elle laisse derrière elle et son livre intitulé Une farouche liberté s’en fait l’expression la plus sincère. En effet, ici, l’avocate fervente défenseuse de la cause des femmes, revient sur les moments marquants de sa carrière. Ces moments qui ont construit la grande figure féministe que nous connaissons tous aujourd’hui. Des mots qui résonneront aux oreilles des lecteurs comme un ultime appel à ne jamais se résigner.

Bouleversée mais émerveillée par la femme qu’était Gisèle Halimi, Annick Cojean s’est confiée, au micro de France Inter, sur « son engagement viscéral » envers la cause des femmes. Des propos qui sonnent particulièrement juste quand on sait que la journaliste a co-écrit Une farouche liberté avec la défunte avocate. Pour décrire sa regrettée amie, elle utilisera ces trois mots : « Indomptable », « Insoumise » et « Insurgée ».

Comme pour faire écho à sa disparition, ce récit autobiographique se veut un ultime avertissement de Gisèle Halimi à toutes les femmes. Pour elle, la bataille pour la liberté et l’égalité est loin d’être gagnée et il n’est pas question de baisser notre vigilance maintenant. À la lumière des divers mouvements qui bouleversent notre société, elle invite ses lecteurs à continuer son combat commencé il y a plus de soixante-dix ans… Une farouche liberté paraîtra le 19 juin prochain aux éditions Grasset et il promet déjà d’être l’un des livres phares de cette rentrée littéraire 2020…

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