L’année 2020 restera dans les annales pour de bien tristes raisons… Après la crise sanitaire liée au coronavirus, c’est une terrible explosion qui ravageait la capitale libanaise le 4 août dernier. Pour rendre hommage aux victimes à notre échelle, nous avons décidé de vous faire découvrir six auteurs libanais qui ont marqué l’histoire de leur pays.
Le 4 août 2020 restera gravé à jamais dans la mémoire des Libanais. Ce jour-là, deux explosions ravageaient la capitale du pays en faisant un peu plus d’une centaine de victimes. Bâtiments démolis et vitres brisées, la capitale libanaise ne laisse aujourd’hui place qu’à un immense champ de ruines. Cette catastrophe représente un coup de grâce pour un pays déjà en grandes difficultés économiques…
Mais qu’a-t-il bien pu se passer ? C’est la question que se posent tous les Libanais et, plus largement, le monde entier. À l’origine de cette impressionnante explosion qui a complètement détruit le port de Beyrouth et ses alentours, nous trouvons un cargo russe, du nom de Rhosus, qui aurait accosté en 2014 avec, à son bord, plus de 2,750 tonnes de nitrate d’ammonium. Une cargaison qui aurait sagement dormi pendant six ans dans un hangar jusqu’à ce fameux 4 août 2020. Cependant, pour l’instant, rien n’est encore certain… L’enquête s’étalera sûrement pendant de longs mois encore. Mais une chose est sûre, il y aura un avant et un après cette terrible tragédie…
Effectivement, désormais, c’est un gros cratère qui trône à la place du port de Beyrouth. Et si de nombreux bâtiments se sont effondrés suite au souffle de l’explosion, les bibliothèques et les librairies ne font pas exception à la règle… C’est pourquoi nous avons décidé de rendre hommage, à notre petite échelle, à toutes les victimes, mais plus particulièrement aux écrivains libanais. À ne point douter que cet événement tragique nourrira leurs écrits dans les mois à venir…
Zeina Abichared : une dessinatrice libanaise de talent
Née à Beyrouth, en plein cœur de la guerre civile, Zeina Abichared déménage à Paris en 2004. Mais loin de renier ses origines libanaises, elle continue de régulièrement se rendre dans son pays natal. C’est donc, bouleversée et choquée, qu’elle prenait la parole au micro de France Culture, deux jours après ces terribles événements. Dessinatrice de talent, elle s’est toujours employée à retranscrire le Liban de son enfance à travers ses illustrations. Pour elle, pas question d’oublier cette guerre dévastatrice dont les livres d’histoire ne font même pas encore mention dans son pays. À travers son œuvre, elle veut donner à voir la réalité de son enfance au reste du monde. Et c’est ainsi qu’elle s’est imposée comme l’une des voix incarnant le devoir de mémoire libanais.
Et on peut dire que c’est réussi ! Le titre de sa toute première bande dessinée est d’ailleurs plus qu’évocateur : [Beyrouth] Catharsis. Mais c’est certainement, Partir, mourir, revenir – le jeu des hirondelles qui retrace encore le mieux le parcours de son enfance chaotique dans un immeuble dont elle ne pouvait pas sortir. Sous ses dessins en noir et blanc et son coup de crayon épais, mais révélateur, elle bouleverse son lecteur avec sa pudeur et l’humour qu’elle laisse transparaître derrière les événements dramatiques qu’elle nous rapporte. Et si l’heure n’est pas encore à l’écriture, mais au recueillement, on ne doute pas que le coup de crayon de cette autrice libanaise viendra, à nouveau, bouleverser ses lecteurs en nous décrivant la catastrophe du 4 août 2020…
Amin Maalouf : un écrivain franco-libanais incontournable
Amin Maalouf est certainement l’écrivain libanais le plus connu par les Français. Après avoir reçu le prix Goncourt pour Le Rocher de Tanios en 1993, il est élu à l’Académie française en 2011. Né à Beyrouth en 1949, c’est lorsque la guerre civile éclate en 1975 qu’il décide de venir s’installer en France. Il décroche son premier contrat d’édition en 1981, chez JC Lattès, et publie son premier essai intitulé Les croisades vues par les Arabes. Avec un titre aussi significatif, vous l’aurez compris, cet auteur puise son inspiration dans ses origines libanaises. D’ailleurs, l’intrigue du Rocher de Tanios prend racine dans les montagnes libanaises de son enfance…
Dans son dernier roman, Les désorientés, paru en 2012 aux éditions Grasset, il replongeait une nouvelle fois dans le pays de son enfance même s’il ne le nommera jamais en tant que tel. Mais peut-être est-ce dû à cette culpabilité qui jaillit entre ses mots ? En effet, dans ce livre, son personnage principal, Adam, installé à Paris depuis de nombreuses années, est forcé de retourner dans son pays natal quand il apprend que l’un de ses plus proches amis, Mourad, est mourant. Soudain projeté dans un passé qu’il avait fui sans se retourner, l’heure est au bilan… Adam a-t-il fait le bon choix en choisissant de renoncer à ses origines ?
Charif Majdalani : président de la Maison Internationale des écrivains à Beyrouth
Né à Beyrouth en 1960, Charif Majdalani est un écrivain libanais francophone. Il quitte son pays en 1980 pour venir en France poursuivre des études de Lettres modernes. Il retourne au Liban en 1993 où il devient professeur à l’université Saint-Joseph de Beyrouth. Il publie son premier livre en 2002 et, déjà, on remarque l’influence de ses origines sur ses écrits. Au lendemain de la catastrophe qui a secoué Beyrouth, il s’est dit en colère et envahi par un sentiment de désespoir dans une interview accordée à France Info.
Dans son dernier roman paru en 2019, Des vies possibles, Charif Majdalani nous conte les aventures d’un homme né au Liban, mais fasciné par l’Art européen. Nous sommes alors au 17ème siècle et Raphaël quitte son pays natal pour se rendre à Rome afin d’entrer au service de la papauté. Mais rapidement le jeune homme se détournera de sa carrière religieuse pour se lancer dans l’aventure de sa vie. De Rome à Istanbul en passant par Amsterdam, il côtoiera les grands noms de l’époque tels que Rembrandt, Corneille ou encore Borromini. Finira-t-il par trouver sa place dans le monde ?
Lamia Ziadé : l’illustratrice franco-libanaise qui a fait ses débuts au service de Jean-Paul Gaultier
Né en 1968 à Beyrouth, Lamia Ziadé fait également partie de ces écrivains libanais qui ont quitté leur pays natal pendant la guerre civile. Elle arrive à Paris en 1986 où elle poursuit des études d’arts graphiques. Elle débutera, d’ailleurs, sa carrière dans les rangs de Jean-Paul Gaultier. Si elle mène une vie de rêve à Paris, elle retourne, malgré tout, régulièrement au Liban qui garde une place particulière dans son cœur. D’ailleurs, c’est alors que le conflit israélo-libanais éclate en 2006, qu’elle se décide à écrire Bye Bye Babylone : Beyrouth 1975-1979 où elle raconte son enfance dans un pays à feu et à sang.
Dans Bye Bye Babylone : Beyrouth 1975-1979, Lamia Ziadé nous livre un portrait saisissant de la belle Beyrouth de son enfance avant de passer à des images terrifiantes d’une capitale en proie à la folie. Entre roman et bande dessinée, elle apporte une touche novatrice à son récit qui n’en reste pas moins aussi puissant que poignant. Entre les mots d’une enfant faussement naïve et la dure réalité de la vie, l’autrice libanaise nous brosse un portrait émouvant de Beyrouth au bord du désespoir. Le portait d’une ville en ruine qui ne sera pas sans rappeler le reflet qu’elle nous donne à voir aujourd’hui…
Joumana Haddad : une autrice libanaise engagée dans le droit des femmes
Autrice, journaliste et poétesse libanaise, Joumana Haddad a été élue comme l’une des femmes arabes les plus influentes du monde par le magazine Arabian Business pour son engagement culturel et social. Militante pour le droit des femmes, elle est la rédactrice en chef de Jasad, une revue libanaise spécialisée dans la littérature et l’art des corps. Parlant sept langues différentes, ses œuvres ont été diffusées dans plusieurs pays à travers le monde. En bref, c’est une des figures féminines emblématiques du Liban.
Dans son dernier roman paru en français en 2019, Le livre des reines, Joumana Haddad nous conte une saga familiale sur quatre générations à travers le portrait de femmes aussi combatives que déterminées. Toutes sont prises dans la tourmente des guerres qui ravagent le Moyen-Orient depuis des décennies. Pour ne rien enlever à sa superbe, Le livre des reines est inspiré de la propre histoire familiale de l’autrice. Elle souhaitait rendre hommage à toutes les femmes qui sont nées dans un territoire en guerre, mais qui se sont toujours battues pour leur liberté. Mais loin de se borner aux portraits de quatre femmes, elle nous donne également les clés pour comprendre les enjeux des conflits qui ont longtemps agité cette partie du monde.
Wajdi Mouawad : écrivain et dramaturge libanais
Né en 1968 à Deir-el-Qamar au Liban, Wajdi Mouawad quitte son pays natal à l’âge de dix ans pour fuir la guerre civile. Dans un premier temps, sa famille se réfugie en France avant de prendre son envol pour Montréal, au Canada. C’est là-bas qu’il fera ses études de théâtre et que son talent sera révélé au public grâce à sa célèbre tétralogie, sur le thème de la transmission et de l’héritage, intitulée Le sang des promesses. Depuis 2016, il dirige le Théâtre national de la Colline à Paris.
Loin de limiter son écriture à la dramaturgie, il est également l’auteur d’un polar, Anima, publié en 2012 aux éditions Actes Sud. Mais il signe là un bien étrange roman puisque le récit nous est raconté du point de vue des animaux qui croisent la route de son héros : Waach, un Canadien d’origine libanaise. Ce dernier, qui vient de découvrir sa femme enceinte assassinée, décide de prendre son tueur en chasse. Le mari désespéré n’hésitera pas à traverser le monde entier pour retrouver celui qui l’a privé de sa joie de vivre. Un peu déstabilisant au début, Anima devient rapidement envoûtant au point de ne plus pouvoir le lâcher. Un roman qui dépeint avec véracité la noirceur de l’âme humaine…
Je vous incite également à découvrir Sabyl Ghoussoub » qui a écrit « Beyrouth -sur-Seine : un exil sans fin de ses parents vivant à Paris depuis 1975, début de la guerre, et n’ayant pu retourner définitivement au Liban. Sabyl interroge ses parents sur leur vécu.